Hélène Périvier est économiste à l’OFCE (centre de recherche en économie de Science-Po) où elle est responsable du programme PRESAGE. Ses domaines de recherche concernent les politiques sociales, familiales et fiscales ; les inégalités entre les sexes sur le marché du travail dans une perspective de comparaisons internationales.
Vendredi 22 mars
Hélène PÉRIVIER
Economiste
Qui va garder les enfants ? Les enjeux pour l’égalité professionnelle
En 1945, la protection sociale française et plus largement le système fiscal et social ont été construits sur la base d’une spécialisation des rôles des femmes et des hommes, fondée sur le modèle de Monsieur Gagnepain et Madame Aufoyer. Malgré cela, depuis la fin des années 1960, les femmes sont entrées massivement dans le salaria. Les politiques publiques ont été réformées pour accompagner ce mouvement d’émancipation économique. Ces mutations ont surtout consisté à offrir des services permettant d’externaliser une partie des tâches hors de la famille (la garde des jeunes enfants notamment) et à rendre neutre des allocations qui incitaient fortement les femmes à se centrer sur la famille en renonçant à un projet professionnel. Pourtant aujourd’hui encore, la naissance des enfants renforce les inégalités professionnelles ; les tâches domestiques et familiales sont toujours majoritairement réalisées par les femmes ; celles-ci ne peuvent donc pas investir le marché du travail à l’égal des hommes ; elles adaptent leur carrière à la contrainte temporelle de la vie familiale, d’autant plus forte que les enfants sont jeunes. Ceci explique en partie le statu quo observé depuis la fin des années 1990 en matière d’inégalités femmes-hommes : si Monsieur est resté Monsieur Gagnepain, Madame Aufoyer est devenue Madame Gagnemiettes.
Pour réduire les inégalités professionnelles, la répartition du travail marchand et non marchand entre les sexes doit être rééquilibrée : si les femmes sont encouragées à accroître leur participation à l’activité professionnelle, les hommes doivent en retour être incités à consacrer plus de temps à la famille. Seules des politiques publiques actives sont susceptibles d’amorcer une telle transformation sociale, et parmi celles-ci figurent les congés familiaux.